RENCONTRE | Jean-François Mollière, photographe

03/10/19 15h00

Équipement structurant du territoire, le MMArena est un véritable carrefour pour l’ensemble des acteurs économiques du département. Au travers de sa programmation sportive, des événements d’entreprise et des manifestations associatives, l’arène mancelle collabore avec de nombreux prestataires dans des domaines d’expertises aussi riches que variés. Ils font le succès des événements du MMArena.

Parmi eux, les photographes.  

Ils sont amoureux de l’image et, qu’ils saisissent les actions de jeu, les clameurs de la foule, l’intensité des regards, la richesse des échanges ou l’architecture du lieu, ils immortalisent chaque instant du MMArena.

Rencontre avec Jean-François MOLLIÈRE, photographe.

 

- Jean-François, comment êtes-vous devenu photographe ?

Quand j’étais enfant, j’ai commencé à prendre l’appareil de mon père et réalisé alors mes premières images. Plus tard, parce que j’appartiens à une génération qui a eu le privilège de pouvoir faire des études dans des matières qui nous intéressaient sur le plan intellectuel, sans forcément penser à une carrière, j’ai étudié la psychologie. Après deux années, j’ai intégré l’Université De Paris 8 en filière Image Photographique. Vers 22 ans la passion est devenue dévorante, je suis alors devenu photographe.

Après avoir passé un diplôme qui m’a permis d’enseigner à l’école des beaux-arts de 1987 à 1990, j’ai obtenu un poste incroyable au sein de la maison d’édition Maxi Basket. Pendant 17 ans, j’ai été journaliste reporter photographe dans le milieu sportif notamment dans le basket en France et aux Etats-Unis, puis dans le football et le handball. Quand je suis devenu indépendant en 2008, avec mon carnet d’adresses, j’ai continué à travailler dans le sport.

 

- Le spectacle sportif occupe une place importante dans votre parcours, quelle sensibilité ces projets éveillent-ils chez vous.

Quelque soit le sujet à photographier, ce qui est important c’est l’interprétation que vous faites du réel en tant que photographe. Ma position ne change pas trop quand je photographie un spectacle sportif ou l’architecture d’une ville comme New York ou Chicago.

Le sport, ce théâtre où personne ne connait l’issue de la dramaturgie, m’a toujours intéressé et les acteurs du spectacle, sportifs comme supporters, me passionnent. Robert Frank disait une phrase très intéressante : « En tant que photographe je regarde l’extérieur pour mieux m’intéresser à l’intérieur ». Au travers de mes images je souhaite m’adresser au spectateur pour faire naitre une émotion presque primitive, universelle, de joie, de déception, de vie, de présence.

Une bonne photographie est une photographie qui dépasse la représentation de l’événement, et qui propose un regard vers l’intérieur. L’extérieur est un prétexte pour faire de bonnes images.

 

- Quelle a été votre plus grande émotion de photographe ?

En 2014, lors d’un projet photographique intitulé les Contre Allées, mené en collaboration avec l’Adapei de la Sarthe et mettant en scène des personnes en situation de handicap mental, j’étais au cœur de quelque-chose qui me dépassait. Ce projet consistait pour chaque modèle à être photographié dans leur quotidien puis costumé dans l’univers extérieur de leur choix.

Au départ, quand je travaille sur une thématique, sur une réalité, je suis persuadé de connaitre les clés pour faire une bonne photographie : la manière de faire poser les personnes, la lumière, etc. Ces personnes en situation de handicap étaient bien plus fortes que moi, elles ne sont pas dans les conventions sociales, dans la rationalité des choses, elles sont dans leur monde. Et si on veut y accéder, c’est à elles que je devais laisser la parole et la place dans l’espace. Je devais simplement être là pour qu’elles s’expriment et que je les prenne en photo.

Leur handicap est finalement une force énorme, une beauté. Elles ont quelque chose chez elles qui est totalement singulier et dans cette singularité elles ont une force corporelle que les autres n’ont pas.

 

- Parlez-nous de votre première collaboration avec le MMArena.

À l’occasion du projet les Contre Allées, plusieurs séances de travail sans appareil photo ont été nécessaires pour saisir les envies des modèles, choisir les costumes et définir les lieux de shooting extérieurs. Parmi les modèles photographiés, Jérome, dont la passion était le sport, avait dans son fantasme le MMArena comme symbole fort. J’ai alors contacté Le Mans Stadium pour leur présenter le projet auquel ils ont immédiatement adhéré.

Ça a été une révélation incroyable car Jérome, qui dans une situation normale ne peut pas regarder quelqu’un et regarde toujours par terre, en situation de prise de vues était comme un acteur : il vous regardait droit comme jamais les équipes du centre ne l’avaient vu faire. D’une fierté exemplaire, princier. Et quand la prise de vues se terminait, il se remettait dans sa position quotidienne, regardant le sol.

Ces personnes vont changer le comportement de leur corps et leur communication par le biais de la photographie et par le biais d’un environnement qui leur est cher. Donc c’est un cadeau qu’on leur fait, mais c’est un cadeau immense qu’ils nous donnent.

C’est certainement un des plus beaux moments de ma vie de photographe, et je pense que pour lui ça a été un grand moment aussi.

 

Le première chose qui m’inspire au MMArena c’est son architecture. On a la chance d’avoir un très beau stade et pour un photographe c’est très intéressant car l’espace est toujours créateur d’image. Même si un photographe travaille toujours avec des images mentales issues de son esprit, il a besoin de rencontrer des éléments qui vont lui donner des possibilités, et le MMArena donne énormément de possibilités.

Ensuite, la foule m’intéresse beaucoup au MMArena, il y a très peu d’endroits où on peut se confronter à une foule. Savoir que dans un même espace il y a autant de monde, c’est merveilleux. La foule est une matière incroyable pour la photographie.

 

- Comment construisez chacun de vos reportages photographiques au MMArena ?

Quand on est photographe, il faut se mettre dans une situation de concentration, un peu comme un sportif. Le photographe doit être envahi par les images mentales, et il faut être totalement libéré pour pouvoir à travers le stade retrouver ses propres images. Au MMArena je viens toujours avec des espoirs de photographies et la réalité va, parfois, plus loin que ce que j’avais imaginé.

Je travaille beaucoup en plan séquence. Je repère des plans qui m’intéressent dans le stade, et je les répète inlassablement pour qu’une action d’un sportif ou qu’un visage d’un supporter me dise plus que ce que j’avais espéré. Si la photographie n’était que de retranscrire ce que l’on a vu, ce ne serait pas très intéressant, ce serait uniquement une histoire de bonnes rencontres. Il faut donc accepter que la réalité soit plus forte et que par un accident heureux, une image que je n’ai pas vue naisse. Cette image va dépasser l’événement et accéder à un statut presque universel.

Lors d’un événement d’entreprise, je travaille davantage dans une démarche de journaliste en suivant un cahier des charges dans le but de rendre compte de la qualité des échanges et des espaces pour que les gens s’attachent à une illustration photographique. Quand on prend une photo dans ce cadre, l’arrière-plan est aussi important que les premières personnes, parfois même il est plus important. Comme nous disposons au MMArena d’un espace dont l’architecture est maitrisée et homogène, la photographie étant un tout, le MMArena intérieur et extérieur participe énormément à la réussite des images.

 

- Enfin, comment appréhendez-vous l’exposition de votre travail au regard du public, comme c’est le cas en habillant de vos images certains salons du MMArena ?

Ce qui m’intéresse est que le public ait une installation photographique réussie où l’imaginaire est ouvert afin que chacun puisse y trouver son imaginaire différent, exactement comme au cinéma. Quand on discute d’un film chacun a sa propre version et on passe son temps à se bagarrer alors qu’il n’y a pas de vérité, c’est la même chose en photographie. Une photographie a le message qu’on veut bien lui donner, et si cette image est suffisamment forte, elle va emporter les imaginaires différents. Chacun s’empare alors de la photographie comme si c’était la sienne.

Quand quelqu’un vient te dire « ça m’a fait penser à telle chose », c’est merveilleux.

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